Bauduin (N.), Legendre (F.) et L'Horty (Y.). – Les baisses de cotisations sociales ultramarines : une évaluation ex ante à l'aide d'une maquette ad hoc. Rapport de recherche num. 54, Centre d'Études de l'Emploi, 2009.
Dans les quatre départements d'outre-mer, les entreprises bénéficient d'un ensemble d'aides fiscales et sociales qui leur permettent de déroger au droit commun métropolitain afin de compenser les surcoûts liés à leur situation de région ultrapériphérique. L'une des aides les plus importantes en montant budgétaire et en nombre de personnes concernées est la réduction de cotisations sociales patronales fixée par la Loi Girardin.
Par rapport aux mesures Fillon qui sont en vigueur en métropole depuis 2003, le dispositif domien a plusieurs particularités. Il consiste en une exonération intégrale des cotisations patronales de Sécurité sociale, sous la forme d'un montant qui constitue une proportion fixe de la rémunération brute, jusqu'à un seuil de salaire qui varie selon le secteur d'activité. Le seuil est de 1,3 x Smic pour les entreprises de transport, le BTP et les entreprises de moins de 10 salariés. Il est de 1,4 x Smic dans l'agriculture et dans l'industrie et de 1,5 x Smic dans le tourisme où le dispositif Girardin est le plus généreux. Réformé et étendu en 2000 et en 2003, ce dispositif va être à nouveau modifié dans le cadre de la loi pour le développement économique de l'outre-mer (dite Lodéom, ex-loi Dépeom). L'objet de ce rapport est de proposer une évaluation des effets sur l'emploi de ce dispositif et de plusieurs propositions de réformes.
Pour évaluer les effets des mesures Girardin, nous construisons une maquette théorique permettant de reproduire de façon stylisée la formation de l'emploi ultra-marin tout en distinguant plusieurs secteurs d'activité et plusieurs catégories de main-d'œuvre. Dans chacun des quatre Dom, nous divisons l'économie en 6 secteurs d'activité qui emploient 9 catégories de main d'œuvre. Les baisses de coûts du travail induites par les mesures d'exonération de cotisations patronales ont un impact favorable sur l'emploi au travers d'effets de substitution entre catégories de main d'œuvre et d'effets de volume (ou de compétitivité) qui augmentent l'activité via des baisses de prix. Ces effets sont différenciés selon les secteurs d'activité qui n'ont pas le même degré d'exposition à la concurrence mondiale. La maquette est étalonnée sur chaque Dom à partir de distributions de salaires tirées des DADS et de données de comptabilité nationale. Pour chaque Dom, la maquette permet de chiffrer les conséquences sur l'emploi, par secteur et par niveau de salaire, des mesures d'allègements de cotisations sociales ultramarins.
Selon notre évaluation ex ante du dispositif Girardin, près de 10 % des emplois seraient supprimés dans les Dom en cas d'alignement sur le régime métropolitain (mesures Fillon). Les effets seraient les plus massifs dans le secteur du tourisme qui perdrait 21 % de ses emplois mais seraient également importants dans les secteurs qui ne bénéficient pas de l'allègement Girardin, dont l'emploi diminuerait de 4 % par effet de «déversement». Ces ordres de grandeurs seraient assez proches dans les quatre Dom, avec un recul de l'emploi peut-être un peu plus marqué en Guyanne et en Guadeloupe qu'en Martinique ou qu'à la Réunion. Une suppression pure et simple de tous les allègements de charge (Girardin et Fillon) se traduirait quant à elle par un recul de l'ordre de 15 % des emplois, soit environ 44 000 emplois perdus dans les quatre Dom. Compte tenu du coût des mesures, d'un peu plus de 1 milliard d'euros, le coût par emploi créé grâce au dispositif d'exonération est d'environ 23 000 € par emploi et par an. Ce chiffre est dans un ordre de grandeur comparable à celui de l'effet des mesures d'exonération en vigueur en métropole si l'on se réfère au consensus des évaluations disponibles. En outre, il s'agit d'un coût brut qui ne tient pas compte des rentrées de cotisations sociales induites par les créations d'emploi et des moindres sorties de transferts sociaux liés à la baisse du chômage. La réforme de 2009 prévue dans le projet de Loi de Finance (article 65) unifie les seuils à 1,4 x Smic et plafonne les exonérations à un niveau de salaire de 3,8 x Smic, pour toutes les entreprises à l'exception des secteurs prioritaires pour lesquels le plafond de 1,4 x Smic est porté à 1,6 x Smic et où l'exonération s'annule à 4,5 x Smic au lieu de 3,8 x Smic. Selon nos chiffrages, cette réforme se traduirait par un recul de l'emploi de l'ordre de 1,4 %. Ce recul sera le plus sensible aux deux extrémités de la distribution des salaires.